Ouvrir les fenêtres même en hiver ?

male hand about to open a window, a winter scene in the background

L’affirmation : «J’ai été très surpris de lire un texte de Protégez-Vous [paru sur le site du Soleil plus tôt cette année] qui dit qu’il est indispensable d’ouvrir les fenêtres quotidiennement en période hivernale et ce, «même si la maison est équipée d’un système de ventilation». J’aimerais savoir si cette affirmation est fondée», demande Serge Blanchette, de Saint-Augustin-de-Desmaures.


Les faits

Il ne fait aucun doute, s’il faut vraiment le mentionner, que l’ouverture des fenêtres (ou la ventilation mécanique) fait une différence sur la qualité de l’air intérieur. Des travaux publiés au début des années 2000 ont observé que le fait d’ouvrir ne serait-ce qu’une seule fenêtre pouvait doubler ou tripler le rythme du changement d’air dans une maison. Et plusieurs autres études ont montré que cela améliorait clairement certains indicateurs de qualité de l’air, comme la concentration de CO2 (que nous exhalons en respirant). Certaines ont même trouvé un lien avec la qualité du sommeil.

Maintenant, est-ce que cela veut dire qu’il faut le faire tous les jours, même en hiver ? De manière générale et un brin théorique, la réponse est plutôt oui. Mais il y a, en pratique, toute une série de nuances et de conditions qui font que ça n’est pas également avantageux pour tout le monde, ni dans toutes les maisons.

«Dans les années 2000, dans la littérature scientifique, on a essayé de déterminer à partir de quel niveau la ventilation était bénéfique, et c’était autour de 0,5 changement d’air par heure qu’on commençait à voir des avantages. Au Canada, on a plutôt retenu le critère de 0,3 par heure à cause du froid en hiver, qui force à faire des compromis», explique Patrick Poulin, expert-conseil à l’Institut national de santé publique (INSPQ).

Il peut arriver, dans certaines vieilles maisons mal isolées, que l’on atteigne facilement ce seuil sans avoir de système de ventilation ni ouvrir les fenêtres, poursuit-il. Dans les années 1950-1960, «on construisait des bâtiments beaucoup moins hermétiques que maintenant, il n’y avait pas de pare-vapeur, les fenêtres étaient moins étanches, etc. Donc juste avec la ventilation naturelle passive, on atteignait jusqu’à six changements d’air à l’heure dans des cas extrêmes, même sans ouvrir de fenêtre. (…) C’était une époque où l’énergie coûtait beaucoup moins cher que maintenant, alors on construisait les maisons [sans trop se soucier de leur efficacité énergétique]».

Il y a donc des résidences où il est inutile de faire des efforts d’aération — mais ça ne concerne évidemment qu’une minorité de logements. Dans la majorité des cas, l’ouverture des fenêtres ou l’usage d’un système d’aération mécanique sont recommandés. Une revue de la littérature scientifique parue en 2021 dans Indoor Air a trouvé que le taux de changement d’air de 40 000 résidences était en moyenne de 0,5/h, mais c’était aussi bas que 0,2/h dans certaines études.

Même sans symptômes

L’INSPQ a listé une série de symptômes (irritation des yeux ou de la gorge, sinusites répétées, maux de tête, problèmes de concentrations, etc.) qui peuvent trahir la présence d’un problème de qualité de l’air dans une maison, surtout s’ils sont ressentis à certains moments particuliers (après un déménagement ou des rénos, après une inondation, etc.) et par plusieurs occupants en même temps. Mais même en l’absence de symptômes, il reste important d’aérer régulièrement son logement, indique Dr Stéphane Perron, médecin-conseil en santé publique à l’INSPQ.

«Le grand ennemi des bâtiments, c’est l’humidité, et les humains en produisent justement beaucoup en respirant, dit-il. Si on dépasse un certain seuil, autour de 60 %, on va avoir un accroissement des acariens et des moisissures dans l’air, et ça va dégrader la qualité de l’air pour tout le monde.» Et c’est sans compter d’autres polluants qui peuvent s’accumuler dans une maison, comme les «composés organiques volatiles» (issus des peintures, vernis, produits nettoyants, etc.).

«La seule manière de s’en débarrasser, c’est de ventiler», dit Dr Perron.

Cela dit, il y a aussi une question de contexte dont il faut tenir compte,nuance-t-il. L’inconfort lié à la température peut ne pas en valoir la peine lors des grands froids. Dans une demeure située près d’une autoroute, par exemple, il n’est probablement pas indiqué d’ouvrir ses fenêtres en pleine heure de pointe, quand l’air extérieur risque d’être encore pire que celui de l’intérieur. Une personne allergique aurait intérêt à garder tout fermé pendant la saison des pollens. Et ainsi de suite.

Mieux que les fenêtres ouvertes

Enfin, puisque la question de M. Blanchette mentionne les «systèmes de ventilation», ajoutons que l’ouverture des fenêtres devient redondante, inutile, dans les maisons qui en sont munies. Il faut évidemment s’entendre sur ce qu’on entend par «système de ventilation» — de simples ventilateurs au plafond ne suffisent sans doute pas —, mais les logements qui ont des systèmes mécaniques d’échange d’air n’ont pas besoin d’ouvrir leurs fenêtres.

En fait, dit M. Poulin, la ventilation mécanique (même si elle coûte cher) est souvent bien plus efficace que des fenêtres ouvertes. «On ne peut pas avoir de contrôle précis de l’aération quand on ouvre les fenêtres, dit-il. À certains moments comme en hiver, ça peut être très efficace parce qu’il y a une grosse différence de température avec l’extérieur, mais le froid cause de l’inconfort et les échanges d’air ne se font pas nécessairement là où on en a le plus besoin. Donc c’est un peu aléatoire et ça rend le bénéfice sur la santé un peu théorique.»

Sur ce point-là, donc, le texte de Protégez-Vous avait tort : un bon système de ventilation dispense généralement d’ouvrir les fenêtres en hiver.

Verdict

Plutôt vrai dans l’ensemble. La qualité de l’air intérieur va se détériorer sans échange d’air, et il est bien démontré que le fait d’ouvrir les fenêtres accélère le renouvellement de l’aird’une maison. Mais ça n’est pas une règle absolue — pour quelqu’un d’allergique, par exemple, il vaut mieux garder tout fermé pendant la saison de pollens — et l’idée qu’il faille ouvrir «même si la maison est équipée d’un système de ventilation», elle, est fausse.